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De ce menu ruban de terre,
J'ignore deux tiers du parcours.
Je sais pourtant qu'ils sont chimère
L'eau les couvrant de nombreux jours.

Quittant la poste de Vivonne,
Très fine, entre les peupliers,
Notre route saute la Vonne
Et coupe de jolis sentiers

Elle voit de belles demeures,
Chapelle, historique château,
Fermes qui connaissent les heures
Aux rayons du soleil sur l'eau.

Je ne l'ai jamais parcourue
Dans son humide encaissement
Je l'ai seulement aperçue
Du train, au vol rapidement.

Faisons donc un itinéraire
Nous allons la faire partir
D'un hameau tout frangé d'eau claire
Que l'on se plaît à parcourir.

Ce hameau porte un nom superbe
Confortables sont ses maisons,
C'est le Petit Allié, l'herbe
Y croit verte en toutes saisons.

Deux habitations fort belles,
Bâties autrefois par l'Anglais,
Porches, balcon, pas de tourelles
Ornent un paysage frais.

Le Grand Allié par derrière
Ne s'aperçoit pas du chemin.
(Souvenirs d'époque guerrière
Notés sur quelque parchemin.)

En suivant la Petite Route,
Blonde et nue entre de beaux prés,
On voit es gibiers en déroute
Par le chasseur tenus serrés.

Puis, s'amenant à toute allure,
Un rapide fort empressé,
Et fier de sa belle tournure
Passe à deux mètres du fossé.

Voici la Route qui se penche,
Et s'abrite de noirs buissons
Une troupe d'oiseaux s'épanche
Eu harmonieuses chansons.

Tout au bas c'est un hameau riche
Au milieu de ses lourds guérets
Derrière le Gué à la 'Biche
Caché par le moulin des Rets.

Prenant ses ébats dans l'eau claire,
Une biche autrefois, dit-on,
D'un roi Wisigoth fit l'affaire
En montrant un lit peu profond.

Quelques ruines d'une église,
Sont tout près, au milieu d'un bois;
On y voit encore bien assise
(Mais tout cela est d'autrefois)

De Saint-Fiacre la chapelle.
Mais tout décora disparu.
On dit qu'au cours d'une querelle,
Un moissonneur ayant trop bu,

Du saint voulut casser la tête,
Et la pierre dont se servit,
L'homme que le vin rendait bête,
Immédiatement sévit,

Se retournant sans nul ambage
Frappa d'un coup si violent
Le nez du rustre un peu sauvage
Que bientôt sous un ciel brûlant

Au cimetière du village
On l'emmena. Puis à l'envi
Chacun répéta dâge en âge,
La vengeance du Saint béni.

Entre deux murs de pierres sèches
Que dominent de vieux noyers
Et qui ne montrent pas de brêches
Étant aux mains de bons fermiers

On va, contemplant la prairie,
Puis bientôt au ras du chemin,
La ferme la Limonerie
Montre son vigilant entrain.

Les étables, grandes ouvertes,
Font voir les boeufs doux et puissants,
Les chevaux, dans le pré, alertes
Galopent joyeux, hennissants.

De l'autre côté, dans la plaine
Un laboureur pousse le soc.
Échangeant l'air à son haleine
Il va, ne craignant pas 'e choc,

Ses yeux droits sont remplis d'extase
Son travail est un jeu pour lui
L'espoir le conduit et l'embrase,
Vite un sillon car le jour fuit.

Des moutons, vers la bergerie
L nuage doux et mouvant,
Berce la tendre rêverie
Du berger qui suit, nez au vent.

Poursuivons nous verrons encore
La Baraudjêre et sa cour;
Rien d'inutile la décore
Ses bâtiments en font le tour

Puis les Ouches, fermes coquettes,
Objets de tant d'amoureux soins
Et leurs belles façades nettes
Et tant de délicieux coins -

Pioussais sur son ruisseau s'étale,
Ses ardins sont frais et riants
Sa flore gentiment dévale
Vers les grands prés luxuriants.

Maintenant il faut que l'on passe
Sous le pont du chemin de fer
Le paysage frais, s'efface,
C'est la plaine, c'est le grand air.

A gauche est le train qui circule
Sur la ligne Paris-Bordeaux
Train de luxe qui nous stimule,
Petit train, train des grands tonneaux

Auto-rail aux sauts de gazelle.
Infiniment j'aime le soir,
Quand votre lumière étincelle,
Sous l'Étoile ou sous le ciel noir,

De ma fenêtre la plus haute
Vous suivre un instant du regard
Dans la vallée ou sut la côte
Oubliant qu'il est un peu tard.

Mon âme s'associe aux vôtres,
A l'étoile, à l'obscurité,
A notre belle terre, aux autres,
Je vis en pleine immensité

Mais, en plein jour sur cette route,
Je sens mon rêve aussi profond,
Le ciel bleu m'éloigne du doute
Et je sens ses astres au fond.

Mignonne Route tu arrives
A notre bon champ de repos
Réalités, forces massives,
Sont là dans son terrain bien clos.

Et cette vérité troublante,
S'impose à nos yeux atterrés
Nous enserre, nous épouvante,
Un jour nous serons enterrés.

Au même creuset tout retombe,
Tout corps s'affaisse sur ses pas,
Tout s'agite, s'affole et tombe
La vie appelle le trépas.

Philosophons une minute
Devant l'acte d'égalité
Qu'aucun décret, qu'aucune lutte,
De l'homme n'a pas écarté.

Devant lui tout pouvoir se brise,
Pensez-y mieux, pauvres humains,
Vos jougs, vos honneurs, votre emprise,
N'auront pas d'aussi vrais demains,

Vous ne pouvez livrer bataille,
A son habile ordonnateur,
Vous êtes des fétus de paille
Qu'il voir, de son grand oeil moqueur!

Etes-vous donc pour quelque chose,
Dans l'heure qui doit voir tomber,
Homme, bête, corolle éclose,
Arbre géant, plante ou rocher?

Savez-vous donc ce qu'est la vie?
(J'aime ce clair et joyeux nom)
Vous l'ignorez. Votre génie
Son amplitude, son renom
Consiste à découvrir les choses,
Semées en la Création,
A donner à chacun les doses
Propres à l'évolution.

Votre grand génie est en somme,
N'allez pas ailleurs le chercher,
De rendre doux le sort de homme,
De savoir comprendre et d'aimer

Quand vous conduisez aux bati
La flore de l'humanité
Quand aux canons, à leurs mitrailles,
Sans scrupule vous la jetez

Vous continuez les supplices,
De vos aïeux, les durs païen;
An dieu guerre, en sacrifices
Vous offrez des êtres ht mains

Et vous êtes fiers de vos oeuvres,
Quand un petit bout de terrain,
Efface toutes vos manoeuvres
Et le sang vif sur le chemin

Vous allez tuant de doux êtres
Capables comme vous d'agir,
Plus que vous peut-être les maîtres
De l'Idée qui doit assagir.

L'instinct égoïste et farouche
Vous conduit aux plus noirs forfaits
Rien ne vous émeut, ne vous touche
Que vos appétits satisfaits

Et de siècle en siècle le crime
Suries humains toujours s'abat.
Et vous osez parler de cimes
De progrès, de grandeur de l'Etat

Tout cela en un jour s'efface
Quand grondent canons et obus.
Vos mots ont un sens trop fugace
Changez ! ou ne les dites plus !

De quel droit touchez vous, cerbères,
Au grand mystère de la mort?
Pour rendre plus heureux vos frères
Vous leur faites seulement tort.

Vous assommez le plus grand nombre
Au coeur des autres vous mettez
Une haine farouche et sombre
Au noir chemin vous les jetez.

Vous allongez la chaîne immonde,
Des disputes et des combats
Et vous conservez dans le monde,
La rancune, les faux ébats.

Nations! Sociétés humaines t
Vous ne vous servez du Progrès,
Que pour mieux assouvir vos haines,
Et n'en marquez aucun regret

Il est temps de changer de route,
Le voile de l'humanité
S'est levé et coûte que coûte
L'homme acquerra la liberté

Nature, Esprit, sources fécondes
Idéal prochain de nos jours,
Rève du plus sage des mondes,
Raison, soutien de nos amours.

Courte Vie, mystère sublime.
Lave-toi des forfaits anciens,
Que seule la douceur t'anime
Et fasse prospérer tes biens.

Associons-nous, âmes libres,
Pour créer les jours éternels
Qui donneront de fortes fibres
A nos coeurs sains et fraternels.

Pour répartir de façon sage,
Le bon travail en chaque main
Qu'il ne soit plus question d'étage,
Et qu'on soit fier sur le chemin !

Que se sentant indispensable
L'être pour l'être soit amour
Le cristal veut le grain de sable,
La nuit est le beau - lit du jour !

Va, mon rêve, parcours le monde,
Pénètre-le intimement,
Que chacun répète à la ronde,
Ma pensée et mon sentiment.

Je suis le petit grain de sable,
Qui ne peut pas vivre isolé,
Je vais à l'union durable,
Sur l'aile du vent emporté.

Je suis une petite flamme,
Bien menue en l'immensité
En tous lieux je recherche l'âme,
Pour fortifier ma clarté,

Et je suis la voix indiscrète,
D'un petit poste plein d'amour,
Qui annonce à l'âme inquiète,
L'avènement d'un nouveau Jour I

Cimetière de village,
Si propre à l'inspiration,
Il me faut quitter ton sillage,
Secouer mon émotion.

Sur un talus coupant la plaine,
Le train qui file prestement
Semblant crier à toute haleine
Sortez de votre isolement !

Sois bien sûr de ma sympathie,
Et de mon plus profond respect,
Je crois en l'Eternelle Vie.
Aujourd'hui, reçois mon regret.

Petite Route toujours fière,
Vois-tu les jolis arbrisseaux,
Les beaux pommiers branchus ma chère,
Les cerisiers, les ormeaux?

Sur ta gauche, voici la sente
Sombre sous le grand ormeau vert,
Qui conduit en sa douce pente,
A des décors à ciel ouvert.

C'est le ruisselet que l'on saure,
La rivière que l'on côtoie,
Le grand pont à l'arche bien haute
La prairie où l'herbe verdoie.

Puis, c'est au fond de la prairie,
Large, paresseux et profond,
Le Clain en sa mélancolie
Sous le nénuphar et le jonc.

De l'autre côté de sa rive
D'un joli coteau descendant,
De Fontsalmoy le bois arrive,
Mirer son feuillage pendant

Pour ce très riche paysage
Mon Dieu quel admirable fond
Partout, sur la Route, au passage,
On en voit le décor profond.

Agriculteurs de toute allure,
Sont fiers de ce panorama,
Où se fonde en juste mesure,
La noble beauté d'ici-bas.

Ils aiment tant ce sol fertile
Qui sait se lier à leur coeur,
Qu'ils se rient du plaisir futile,
Qu'on leur dit être le bonheur.

Le bonheur, pour eux, dans la vie,
C'est l'or mouvant de la moisson,
La luzerne longue et fleurie,
Le beau gibier dans le buisson,

La grappe lourde et transparence
Le gros tubercule sucré
La source qui s'en va chantante
A l'orée de quelque bon pré.

La petite maison, la ferme
Où tout rutile et le parfum
D'un bon pâté de croûte ferme
Et d'un jambon fleurant le thym,

La femme accorte et diligente,
Les enfants solides et gais,
La cour où le coq doré chante,
Les étables au tapis frais.

Les grands boeufs, la vache laitière,
La croupe ronde des chevaux,
La soue et pais la lapinière
Les outils pour tous les travaux.

Le toit et sa chèvre élégante
La bergerie et son troupeau
La grange et son herbe odorante
Le grenier fier de son fardeau.

L'abreuvoir à l'ombre des saules,
Les arbres noueux de l'enclos
Offrant de robustes épaules
Aux bouquets roses, frais éclos.
Le jardinet aux herbes fines,
Aux légumes du plat du jour
Ayant aussi, choses divines
Quelques fleurs pour le temps d'amour!

Et tant d'autres choses encore,
Qui font la richesse des champs
Qui du paysan dès l'aurore
Réclament l'amour et le temps.

Sueurs, fatigue qui déprime
Transports, labours, ordre constant
Sont les attributs de la rime
Que le poète va chantant.

Homme des champs, de la Nature
Etant le véritable amant,
De son essence la plus pure
Tu te nourris à tout moment.

De superbes plantes d'Afrique,
D'Espagne ou de notre Midi,
Peut-être même d'Amérique
Tout croit sur notre sol béni !

Tu verras des palmiers superbes,
Car Voulon est une oasis
A voir la fraîcheur de ses herbes
On croit entrer au Paradis

Route de Voulon à Vivonne
Pourquoi si vite nous quitter,
Montre-nous du moins la couronne
Qui te ceint mieux qu'un frais laurier

C'est la haute croix sur sa pierre,
Le monument qui fait penser,
Aux jeunes tués par la guerre,
Et qu'on a bien fait d'élever.

Bien fait de graver sur le marbre,
Leurs doux noms nés pour d'autres buts
Que d'abattre l'humain et l'arbre
Cibles vivantes des affûts,

Grand siècle de l'intelligence,
Te verrons-nous enfin briller,
Fondre la glu de la démence
Qui fait une loi de tuer.

Oh! de tous mes voeux je t'appelle
Aube! viens vite ouvrir les yeux,
Appesantis sous la tutelle
Des préjugés de nos aïeux!

La rouerie, l'orgueil, l'égoïsme
Menant quelques êtres encore
Le faste insolent, le cynisme
Des cariatides de l'or

N'éblouissent vraiment personne,
Le monde voit bien au-delà
Il attend que brille t que sonne
L'heure à l'impérissable éclat!

C'est que la leçon pure et fière
Des écoles a rapproché
Le peuple autour de sa lumière
A fait croître en l'être touché

Le grand, le beau et sa noblesse,
La joie, l'amour et la bonté.
Son coeur a tressailli d'ivresse
Et son âme de volupté!

Qu'on ne lui parle plus de guerre
(Guerre! ce mot lâche et cruel)
Il ne veut jouir de la Terre
Que dans un accord mutuel.

Nous avons des penseurs tenaces,
Qui ne craignent pas le péril,
Leur but est d'effacer les traces
D'un passé féroce et puéril.

Ils veulent qu'au foyer s'installe
Plus de grandeur, plus de Raison;
Que la sincérité chasse enfin le scandale
Qu'une mère accablée enlève de son front

La ligne du souci, de la crainte qu'elle aille
Déesse de bonté, coeur éternel trésor,
Non pas les traits durcis comme en une bataille
Mais calme, sur les siens répandre ses flots d'or.

Que l'homme en sa maison heureuse.
Trouve sa satisfaction,
Son apogée impérieuse
Dans la sublime mission

Transmise du tréfonds des sphères
D'établir un nid plein d'amour
En secondant un peu ses frères
Car tout doit avoir un retour

Comme le mouvement des ondes,
La renaissance des saisons,
Des nids, des berceaux et des mondes
Fruits d'une éternelle Raison

Route qui te couronne encore
C'est l'église où l'on va prier
La maison où le coeur adore
S'ouvre et semble se délier.

C'est la place où devant l'aurore.
Le compresseur s'en va broyer
Le fruit juteux dont la pléthore
Fait lâcher l'anse du panier.

C'est le brûleur dans sa cabane,
Qui surveille, attentivement,
La cuisson d'un jus, dont émane
Un parfum subtil enivrant.

Et quand le pays est en fête,
Sur cette place on voit encor
Une jeunesse qui reflète
La joie et l'infini transport.
C'est que jusque dans la nuit sombre
Vont danser filles et garçons,
Plaisir complet, plaisir sans ombre
Parmi les rires et les sons.


C'est que bien des coeurs vont peut-être
Se comprendre et se rapprocher
O Destin qui sait unir l'être,
A l'être qu'il doit compléter.

De l'ancien cimetière il reste
Quelques tombes et quelques fleurs
Le noir sapin, la plante agreste
Qui l'inondent comme des pleurs

La grand'rue, qui te prends en charge
Petite Route laisse voir
L'abreuvoir tout près de sa marge
Et l'animal qui vient le soir

Rafraîchir sa gorge séchée
Au feu du ciel, au dur labeur,
Et sa soif ardente étanchée
Et sa souple et puissante ardeur.

Joyeuse, libre, sans clôture,
L'eau venue des grands prés riants,
En illuminant la Nature
Roule sur les cailloux brillants.

Elle jase, lorsqu'elle passe
Sous les cocasses petits ponts
Tendrement elle les enlace
En faisant mille petits bonds,

Ces ponts, formés de larges pierres,
Gros cabochons, frustes bijoux,
Forment les rustiques rivières
Au flot renflé, limpide et doux.

Parmi les joncs, parmi les herbes,
Ils font de gracieux détours
Frôlant les peupliers superbes
On dirait les ponts des Amours.

De l'abreuvoir heureuse bête,
Dont l'oeil mélancoliquement
Plusieurs fois dans le jour s'arrête
Sur ce naïf enchantement,

Mais un détail cependant manque,
Pour mieux voir et connaître encor
Les petits ponts et leur calanque
Au fin tapis de sable d'or:

Aux grandes pierres sont scellées,
Pour en compléter le chemin,
Egalisées et nivelées
En un impressionnant lien

D'épais monuments funéraires
Dont l'épitaphe a résisté
Ils font sentier sur les eaux claires.
Et l'oeil n'en est pas attristé.

Les lettres face à la rivière
Mirent leurs dates et leurs noms.
Au fleuve, au ciel, à la lumière,
Elle les emporte en ses bonds.

De l'Unité le grand symbole,
S'impose partout à nos yeux
Allégorique parabole
Qui unit la Terre et les Cieux.
Quelle est cette odeur précieuse
Qui vous pénètre doucement.
Sensation délicieuse
L'huilerie est en mouvement.

Maison que baigne la rivière,
Joyeuse vitre qui flamboie,
Flot d'or s'élevant en poussière
Sous le marteau qui le rudoie

Travail de Vulcain, sans haleine
Tu vas réparant et créant
Le bon outil qui dans la plaine
Enfouira le fertilisant,

La nourriture indispensable
A la beauté de notre blé
Amalgamant engrais et sable
Pour que germe le grain gonflé.

Forge, usine de nos campagnes,
Ta place est auprès de nos champs
De nos plaines, de nos montagnes.
Hommes, chevaux et ruminants

Ont besoin du fruit de ton zèle;
Tu donnes l'outil pour la main
Le fer au sabot met une aile,
Qui soutient la bête en chemin.

Attenant à la forge neuve
Une très ancienne maison
Résistant au vent de l'épreuve
Au château faisait liaison.

Elle était jadis la demeure
Du Vassal ou petit Seigneur
Sur lequel veillait toute heure
Le Suzerain fascinateur.

En face, au bout de l'avenue,
Bien posé sur son fier coteau,
Le château riant dans la nue
Plongeait dans la maison sur l'eau.

Voulon, quelle charmante forme
A ton pays frais et riant.
C'est une libellule énorme
La Route est son corps élégant

Sa tête aux gros yeux est la place
Et sa bouche les petits ponts
Ses ailes, dentelle fugace
Sont l'Avenue à quoi répond

La grande rue et son École,
Sa Mairie, ses belles maisons
Ses cours fleuries où batifole
L'enfant joyeux comme pinsons

De notre Voulon, un bout d'aile,
Frôle l'ancien château charmant
(Hormis souterrains et tourelles
Évoquant l'affreux revenant.)

Il plane au bout de l'avenue,
Au sommet d'un joli coteau,
A son pied s'accroche ingénue
Faisant un ravissant tableau

La ligne des pommiers superbes,
Qui borde gaiement le fossé.
Ce fossé dans ses fraîches herbes
Durant l'hiver est tapissé

De perce-neige, fleurs de lune,
Car à la lune elles ont pris
Dans la froidure et la nuit brune
Une blancheur de paradis.

Suit un pré qui vers la Bouleure
Etale un verdoyant tapis;
La belle rivière à toute heure
Miroite sous le frais taillis.

Puis un antique marronnier
D'un grand cèdre ayant l'envergure
Dans le pré met son port altier
Et fait vraiment bonne figure.

Un reposoir sous son ombrage,
Quand on faisait processions
Amenait les gens du village
Accomplir leurs dévotions.

Des peupliers de l'avenue,
Cet arbre puissant fait valoir
La grâce allongée et menue
Qui frissonne aux souffles du soir.

J'aime les agrestes rangées
Des gros noyers sur le plateau
Ornant de grâces achevées
La belle porte du château.

A deux pas j'aperçois la gare.
Empressés et retardataires
Menant les choses dare dare
Et ne voyant que leurs affaires

Prennent sente et chemin privé.
La route fait perdre du temps,
Il faut être vite arrivé.
(Les chatelains sont obligeants)

Tout prêt, c'est la beauté moderne
Des pylones, des pergolas,
Où la rose gaiement alterne
Sa variété, ses éclats. -

Des Instituteurs en retraite
Se sont plûs â dresser des fleurs
Du bas de leur maison au faîte.
Les champs sont ivres de senteurs.

En poursuivant par la pensée,
On voit là-bas dans la vallée,
L'antique moulin de Sichard
Vieux vestige du roi Richard.

Il est nanti de deux gargouilles,
Deux immenses museaux de truies
Que les gels, les vents et les rouilles
N'ont pas plus détruits que tes pluies.

On n'a pu dans les bois
(1) encor
Découvrir du roi Wisigoth
(2)
La tombe où tout recouvert d'or,
Il gît sous la fraîcheur de l'eau.

D'après ce que m'a dit ma mère
Qui l'apprit dans un manuscrit,
Trois guerriers pour poser sa bière
Changèrent un ruisseau de lit.

Creusèrent, la mirent en place
Puis ramenèrent le courant
Afin qu'il effaçât la trace
De cet ensevelissement.

Et pour que la concupiscence
Ne porta ces associés
A se venger de l'opuknce
On supprima les trois guerriers

Aimons chacun notre ambiance
Blanche Albion, Italie d'or,
Belgique, Espagne, Douce France
Suisse, Allemagne et puis encor
Tous les voisins et la Russie,
Peuples jaunes et peuples noirs,
Orient pays de féerie,
Iles, somptueux réservoirs,

Et Toi jeune et belle Amérique
Double perle des océans
Dont la forme géométrique
Enferme des envols géants

Aimons d'amour nos belles terres,
Nos montagnes, nos océans,
Nos rivages, toutes nos pierres
Nos cieux si beaux, si différents

Pays, berceau de tes familles,
Chose sacrée, on ne doit pas.
Toucher à tes hommes, à tes filles
A tes femmes on ne doit pas
Interrompre la liaison
De l'âme avec son horizon.

Toucher le corps, c'est toucher l'âme
Et l'âme qu'est-ce donc croyant
Sinon une petite flamme
Du foyer que vous chantez tant !

Paix à ce corps, paix à cette âme
Si vous voulez magnifier Dieu
Allez chanter le pur dictame
Qui doit unir l'homme en tout lieu.

Brisez l'épée au but ignoble;
Malgré son éclat on croit voir
Tomber de sa pointe un sang noble
Tout vibrant d'amour et d'espoir.

Fondez es lourds canons horribles,
Tous les engins de cruauté
Au lieu de poisons et de cibles
Créez de la félicité!

Mais, je suis très loin du bout d'aile,
Qui frôle le petit château,
Revenons à la cascatelle
Près du moulin chantant sur l'eau

Remarquons la petite source
Qui sourit sur ses frais cailloux,
Elle frisonne et prend sa course
Parmi les roseaux et les houx,

Son eau paraît-il est exquise;
Aussi l'on vient de Villenon
Par besoin ou par gourmandise
Remplir le tonneau, le cruchon.

Près de l'église, on trouve encore
Une Source aux grandes vertus.
Combien de mamans dès l'aurore
(De nos jours on ne le fait plus)
Venaient baigner l'enfant débile,
N'arrivant pas à marcher seul,
Saint Macou fut vraiment habile
Ce sympathique et doux aïeul.
Il regarde de sa chapelle,
L'eau qu'un jour par grande bonté,
Il fit jaillir d'ub coup de pelle
Pour secourir l'humanité!

Réalité tant que légende,
En maints endroits 1'évèque-saint,
Aimait dit-on faire l'offrande
D'eaux pour le salutaire bain.

De la libellule l'autre aile,
Caresse en son extrémité
Une place agreste mais belle
Sous le blond noyer tourmenté

L'ombre de l'arbre favorable
A l'herbe donne un doux gazon
Où se plaît la sieste ineffable
Sous la trop fraîche frondaison.

La place a pour nom : La Ballade.
Les vieilles gens et les enfants.
Sans même entendre la roulade
Du jeune oiseau, sont là causant. '

Ballade évoque chants et danses.
C'est qu'autrefois sur ce plan seul,
On dansait, sans autres cadences
Qu'un chant d'oiseau dans un tilleul.

Ou d'une naïve viole
Aux accents gais et sautillants.
Rapides comme la yole
Qui file sur les océans.

Les sabots se heurtaient comme des castagnettes
Les rires se mêlaient à la chanson du vent,
Les blouses se gonflaient et des coiffes coquettes
Les souples rubans blancs ondulaient en dansant.
L'irradiante joie, l'amour et son ivresse
Reposaient des travaux et détendaient les coeurs.
Les yeux ensoleillés et leur tendre caresse
Voulaient l'éclosion des éternels bonheurs
Harmonie et fraîcheur, suavité complète,
Simplicité charmante et vivantes couleurs,
Aube, aurore, rayons qu'un gai soleil projette
Printemps gonflé de sève et couronné de fleurs
Joyaux, riches atours qu'un franc rire accompagne
Clarté d'or et de feu, rayonnements d'été
Fleurettes parfumées enivrant la campagne
De la terre éblouie, enchantement, fierté!

Elle fut aussi cette place
En remontant très haut les ans,
Un cimetière. Aspect fugace
Des choses et des sentiments.

Au repos succéda la foire
Boeufs et moutons couvraient le champ
Pour le pays richesse et gloire
Mais le temps va toujours fauchant

De ma libellule charmante
L'autre bout d'aile fait valoir
En haut de la route montante.
Non un antique et fier manoir.

Mais, dominant de la vallée
Les Dives, les plaines en fleurs,
Les pentes, la ferme étalée
Les clochers aux tendres clameurs,

La très confortable retraite
De ma famille aux nombreux ans.
Dont la vie est surtout distraite
Par l'enclos aux décors puissants.

Mon Père alertement surveille,
Entoure de ses tendres soins
La greffe naissante, la treille,
Pour l'agrément, pour les besoins.

Il est fier de ses beaux légumes
Et de ses foins le doux parfum
Est plus vaporeux que les brumes
Flottant à l'horizon lointain.

Très doucement suivant la pente,
Par le sentier au joyeux cours
Qui dans les hautes fleurs serpente
Ma Mère, gaiement tous les jours,

Sous le beau ciel bleu qui la nimbe,
Pour la maison s'en va chercher,
Au fond de la carrière limbe
La fraise au pied du chaud rocher.

Dans le taillis mon frère coupe
L'ormeau par trop luxuriant
Près de lui, verte, se découpe
La charmille au reflet brillant.

Sur le talus les jeunes chèvres
Au bout du lien qui les retient,
L'oeil curieux, la fleur aux lèvres
Font un éternel va et vient.

Partout, éparses dans les herbes
Les poules s'en vont picorant
Le coq aux allures superbes,
Heureux, fait entendre son vhant

Ce clos merveilleux me rappelle
De Poitiers, dominant le Clain
Telle une frêle balancelle
Sur le roc et près du ravin,

Un jardin que créa mon père
Du haut duquel on pouvait voir,
De l'ancien volcan le cratère,
Que la forme fait concevoir.

Sur le rochers sous les étoiles,
Dans notre beau jardin le soir,
Nous admirons Phébé sans voiles
Faisant du Clain son beau miroir

Et les lumières de la ville,
Aux feux du ciel faisant pendant,
Offraient une splendeur tranquille
Qui pénétrait étrangement.

Beau Poitou de mon âme ardente
Tu es l'ami toujours très beau
J'aime tes prés, ton eau qui chante
Et tes verdeurs sur le hameau.

Voulon, 1935

Notes :
(1) Bois de Sichard
(2) Celui qui traversa le gué à la biche


A M. Martin Saint-René.
directeur des " Etudes Poétiques "

AU LONG D'UNE PETITE ROUTE